Comportements climatiques des plantes
Plantes considérées isolément (septembre 2001)Le comportement climatique d'une plante (ou, son comportement phyto-climatique), décrit le climat qui convient à une plante. Il exprime la relation qui existe entre la plante et le climat. Pour être identifiée cette relation nécessite l'étude conjointe des plantes et des climats, dans les mêmes lieux, de façon à attribuer aux plantes les valeurs climatiques qui leur correspondent le plus exactement possible.
Les données climatiques proviennent des réseaux principaux et secondaires de la Météorologie Nationale dans 828 postes. Elles ont été rassemblées année après année depuis 1949 jusqu'à 1998. Elles ont fait l'objet d'un traitement des données manquantes en vue de les estimer. A cette occasion on a pu mesurer l'écart entre les données ré-estimées et les données existantes : en moyenne, 2/10ème de degré Celsius et 4mm de pluie pour 80% des mesures.
Les données concernées ici, sont les 12 valeurs mensuelles des 6 variables que sont les températures maximales moyennes et extrêmes, les températures minimales moyennes et extrêmes ainsi que les précipitations totales et le nombre de jours de pluie. Chacun des postes climatologiques est ainsi caractérisé par un lot de 72 valeurs mensuelles moyennes établies sur 50 ans.
Données floristiques
Les observations botaniques proviennent des relevés phytosociologiques de la banque "SOPHY". Les relevés sont sélectionnés en fonction de leurs proximités aux postes climatologiques en considérant la distance du relevé au poste (1 à 10km), la similitude altitudinale (1 à 100m), la distance à la côte la plus proche. Sur cette base, près de 12.000 relevés ont été sélectionnés rassemblant 2.861 "plantes" représentant 1.800 taxons distincts, un taxon étant considéré comme caractérisable dès qu'il est présent dans au moins 5 postes. Le nombre de postes dans les alentours desquels se trouvent des relevés répondant aux critères ci-dessus s'élève à 574.
Caractérisation écologique des plantes
Le lien écologique entre une plante et une variable n'est pas autre chose que la fréquence relative de la plante dans une classe de variable. C'est également la probabilité de connaître le climat d'un lieu lorsqu'on se trouve en présence de la plante. En un mot, c'est la transposition à l'écologie de la notion de fidélité de Braun-Blanquet (1932).
Afin de rendre possible la mesure du lien écologique entre plante et variable, il est nécessaire de répartir les variables en classes. Il y a différentes manières de réaliser un découpage en classes. Soit en faisant des classes d'égale amplitude (ce qui d'une part, laisse apparaître des classes vides et, d'autre part, risque de faire perdre de la précision si les classes sont trop grandes), soit en faisant des classes d'effectifs égaux (ce qui conduit à regrouper des valeurs climatiques différentes dans la même classe aux extrémités de la gamme, ou à séparer des valeurs identiques au centre de la gamme), soit en considérant chaque valeur climatique différente comme une classe, ce qui a pour avantage d'éviter les classes vides, et de conserver toute la précision apportée par les climatologistes. Ainsi chaque dixième de degré de température et chaque millimètre de pluie est pris en compte. Cette procédure conduit à répartir chaque variable mensuelles entre 400 classes en moyenne.
Pour chaque variable mensuelle (et pour chaque plante), un profil écologique est réalisé en affectant la plante observée dans les alentours d'un poste à la classe correspondante du poste. Ces profils sont réalisés d'abord en valeurs absolues, puis en valeurs relatives (de façon à se donner la possibilité de comparer des plantes de fréquences très différentes), enfin en valeurs relatives cumulées (de façon à tenir compte de l'aspect quantitatif des variables climatiques).
Au total, le comportement climatique de chaque plante est constitué par 72 profils écologiques de fidélités cumulées à 400 classes de variables, ce qui correspond approximativement à une caractérisation à 28.000 dimensions, nombre identique pour chaque plante.
Commentaire
Le cycle biologique des plantes se déroulant toute l'année, les variables importantes à chacun des stades du cycle (germination, feuillaison, floraison, pollinisation, fructification, etc.) ne sont ni les mêmes ni de même niveau ni de même intensité d'une plante à l'autre. C'est pourquoi il est indispensable d'examiner chaque variable mensuelle, sans a priori, afin de déterminer son lien éventuel avec chacune des plantes. C'est ainsi que l'on constate que les variables réputées les plus "importantes" (températures maximales du mois le plus chaud, températures minimales du mois le plus froid, sécheresse estivale, etc.) ne sont pas nécessairement celles qui sont les plus indiquées par les plantes.
Présentation des résultats
Cadre général et principes
Le cadre géographique de l'étude est la France. Le cadre botanique est constitué par les 12.000 relevés rassemblant, au total, un peu plus de 250.000 observations élémentaires (une plante en un lieu). Le cadre écologique est constitué d'une part, par le réseau des postes climatologiques, plus précisément par la gamme climatique de chaque variable et, d'autre part, par la répartition des observations botaniques dans les classes des variables.
Résultats présentés
Pour montrer le comportement écologique d'une plante, cinq types d'information sont présentés :
La répartition de la plante. C'est un résultat de géographie botanique qui constitue la base concrète de raisonnement ; viennent ensuite quatre autres résultats de type écologique :
La flore probable représente des gradients écologiques montrant en particulier les stations dont le milieu convient le mieux à la plante considérée ;
Les espèces écologiquement similaires c'est-à-dire celles qui ont globalement la même écologie ;
Les espèces discriminantes : ce sont les espèces dont le milieu convient le mieux à la plante considérée ;
Les comportements climatiques montrent le lien entre la plante et la variable (valeur indicatrice) ainsi que son niveau dans la gamme climatique (optimum climatique), exprimé en valeur relative (position climatique). La correspondance entre optimums (OPT%) et classes des variables climatiques est présentée par ce lien hypertexte.
Comportements climatiques
Il eût certes été possible de présenter les résultats phyto-climatiques en valeurs absolues. Cependant, cette façon de faire présente des inconvénients scientifiques et techniques. Sur le plan scientifique, en écologie, les valeurs absolues n'ont pas une grande signification : on raisonne davantage par comparaison (telle plante est plus thermophile que telle autre, etc.). Sur le plan technique, les courbes se ressemblent trop (les plantes reflètent le froid de l'hiver et le chaud de l'été). Pour mettre en évidence des différences de comportements il faudrait superposer les graphiques, ce qui est pour le moins mal commode. C'est pourquoi nous avons choisi de présenter les résultats en valeurs relatives, en pourcentage.
La valeur relative d'une variable donnée est déterminée par rapport à l'ensemble des observations pour la variable correspondante. Une valeur relative permet de situer immédiatement le caractère thermophile ou xérophile des plantes dans cet ensemble : on n'a plus besoin de superposer les graphiques pour les comparer. En outre, dans un autre traitement, fondé sur un échantillonnage différent, telle plante resterait, en valeur relative, plus thermophile que telle autre, malgré un éventuel décalage du cadre statistique vers le bas ou vers le haut.
Les variables mensuelles sont traitées indépendamment les unes des autres. Elles montrent l'analogie ou bien au contraire les différences de comportements entre l'été et l'hiver ainsi que la régularité de la variation, mois après mois, des phénomènes présentés. Enfin, faire débuter les graphiques par le mois de septembre a pour but de montrer les saisons biologiques.
Mode de représentation
Pour chacune des variables mensuelles deux critères statistiques sont utilisés. Le premier concerne la position relative de la plante dans la gamme climatique, le second la valeur indicatrice qui est la concentration de la plante dans la gamme climatique (l'inverse de la dispersion).
La position relative est représentée en ordonnée de +100% à -100 % en passant par le zéro. Les positions supérieures à la moyenne des observations sont représentées par une barre orientée vers le haut à partir du zéro. Les positions inférieures sont représentées par une barre orientée vers le bas. Ainsi, du premier coup d'oeil on distingue les positions supérieures des positions inférieures.
La valeur indicatrice (VI) qui exprime une concentration est représentée par une teinte variant du pâle au foncé, ces dernières correspondant aux VI les plus concentrées. Plus une plante est concentrée dans une classe de variable, plus elle lui semble statistiquement liée, plus elle en est indicatrice.
Les variables sont représentées chacune par une couleur dominante : le jaune-rouge pour les températures maximales, le vert pour les températures minimales, le bleu pour les précipitations.
Exemples de résultats
Afin de commenter les graphiques, les positions climatiques sont réparties en classes. Autour des valeurs nulles (de +5% à -5%) on appelle celles-ci des positions moyennes. Puis de +5 à +25%, positions faiblement supérieures ; de +25 à +50%, positions supérieures ; de +50 à +75%, positions très supérieures ; au-dessus de 75%, positions extrêmement supérieures. C'est le contraire pour les valeurs négatives (remplacer supérieur par inférieur).
Pour les valeurs indicatrices les classes retenues sont les suivantes :
0 à 19% : plante non indicatrice ;Exemple des températures maximales moyennes
Plantes ayant des positions climatiques presque identiques toute l'année, pour au moins cette variable :
Plante ayant des positions climatiques moyennes :Plantes ayant des positions climatiques différentes en été et en hiver, pour au moins cette variable :
Plantes littorales : positions relatives supérieures en hiver, inférieures en été :En utilisant la liste des plantes écologiquement similaires notamment, vous pourrez trouver de nombreux autres exemples. Il faut noter que deux plantes écologiquement similaires présentent souvent une similitude de comportements climatiques.
Conclusions
Si ces types de résultats ne constituent pas une originalité en soi puisqu'ils ont déjà été publiés sous forme condensée (Brisse et Grandjouan, 1977), ils représentent néanmoins une connaissance qui n'avait pu être publiée en raison de son volume. Ils constituent en outre une mise à jour puisque le nombre de postes utilisés pour l'étalonnage est sept fois plus important (574 au lieu de 86), le nombre de taxons a sextuplé (1.800 au lieu de 300) de même le nombre d'observations est passé de 10.000 à environ 250.000.
Les valeurs numériques de cet étalonnage climatique des plantes constituent l'outil qui va permettre de déduire le climat d'après la flore en tous les points du territoire dès lors que l'on dispose de simples relevés phytosociologiques localisés.