Que
peut-on attendre d’une banque de données telle que SOPHY ?
Juin 2012
par
H. BRISSE, P. de RUFFRAY
et E. GARBOLINO
En introduisant l’écologie dans les données
phytosociologiques, la banque de données SOPHY a déjà beaucoup apporté sur le
plan scientifique, notamment des résultats nouveaux et parfois
inattendus : en particulier, les catalogues écologiques des plantes, la
flore probable ou encore la détection d’erreurs floristiques probables. Ces
résultats et bien d’autres sont déjà présentés sur le site de SOPHY
(http://sophy.univ-cezanne.fr/sophy.htm).
Une des questions qui peut se poser maintenant est
de savoir si certains de ces résultats ne peuvent pas avoir des applications
nouvelles, soit pour compléter tel ou tel type de résultat, soit pour participer
à des applications de terrain telles que la cartographie des milieux ou encore
pour faciliter le rassemblement de nouvelles données de type phytosociologiques
en utilisant l’écologie des plantes. Ce sont ces points que nous nous proposons
d’examiner ci-dessous.
1°) Définir l’écologie des plantes rares ou
menacées
Il est curieux de constater que l’étude de la
biodiversité végétale se prive pratiquement de la connaissance de l’écologie
des plantes, alors que depuis plus de 20 ans des catalogues écologiques sont
obtenus de façon numérique à partir de notre banque de données
phytosociologiques. Ces catalogues constituent en fait un sous-produit de la
banque, lorsque celle-ci constitue le tableau des fidélités des plantes aux
plantes, plus exactement des fidélités des plantes aux indices du milieu
apportés par les co-occurrentes de ces plantes.
Cependant, les phytosociologues s’intéressent
prioritairement aux milieux des relevés pour élaborer une synsystématique :
ils prennent trop rarement la plante comme point de départ d’une prospection.
C’est pourquoi les plantes naturellement rares ne figurent que peu fréquemment dans
leurs relevés et par conséquent dans la banque SOPHY. Une voie peut donc être
ouverte aux botanistes s’intéressant aux plantes rares ou menacées en leur
proposant de les aider à définir l’écologie de ces plantes. Pour cela il leur
suffirait, chaque fois qu’ils trouvent de telles plantes, non seulement de les
localiser avec précision comme de coutume, mais aussi d’effectuer un relevé
phytosociologique dans le milieu comportant cette plante. Ensuite, à la fin de
leur prospection annuelle, ils communiqueraient leurs relevés à la banque SOPHY
qui leur restituerait en échange, les différents renseignements concernant
leurs données : cartes de distribution, place de leurs relevés dans la
hiérarchie des milieux, comportements écologiques de leurs plantes, etc. Une
remarque : on détermine l’écologie d’une plante lorsque son effectif est supérieur
à 10 observations.
2°) Cartographie des milieux
Habituellement, pour préparer la cartographie
des milieux dans une région, commune, canton ou département, le phytosociologue
ou l’écologue, doit effectuer un survol de la région concernée pour identifier
les différents milieux et préparer une clé ou une grille de description
correspondante. Cependant il est possible de s’abstraire de cette démarche qui
nécessite une connaissance préalable des différents groupements végétaux, et la
remplacer par une procédure plus simple à réaliser et plus précise, tout en
obtenant in fine le même type de clé
d’identification, et qui plus est, hiérarchisée et totalement adaptée à la
région concernée.
Pour cela, il s’agit de remplacer la prospection
initiale classique par la réalisation d’une série de relevés effectués dans
tous les milieux et avec une certaine répétition selon la taille de la région à
cartographier (par ex. 200 relevés ont été effectués dans la commune de
Châteauneuf d’Entraunes dans le Var). Une fois la prospection achevée, ces
relevés sont soumis à une classification socio-écologique qui apporte les
similitudes entre relevés et la hiérarchie des groupes de relevés, autrement
dit des milieux qui leur correspondent. Les points-relevés des différents
groupes, à chaque niveau de regroupement, sont reportés sur une carte avec des
couleurs propres à chacun d’entre eux. Ensuite, à l’aide de photos aériennes,
des limites sont tracées. Les clés d’identification des groupes de relevés sont
établies par des listes de plantes discriminantes de chacun de ces groupes.
Ainsi, les groupes sont représentés distinctement, mais aussi en fonction de
leur hiérarchie. Les avantages de cette procédure sont de ne pas avoir à
définir de groupements a priori mais
de se laisser guider par la classification, garante de l’objectivité du procédé
et de sa parfaite adaptation à la région concernée, sans avoir à redouter les
tâtonnements dus à l’inexpérience éventuelle du cartographe.
3°) Aide écologique à l’identification des
plantes sur le terrain
Cette application est en fait proposée à des informaticiens
associés à des botanistes : ils doivent être peu nombreux ! Il s’agit
d’utiliser dans un premier temps les catalogues des plantes écologiquement
similaires et/ou des plantes discriminantes. Pour cela il faut disposer d’une
tablette numérique et avoir réalisé un logiciel conçu pour faire des calculs et
des tris portant sur les comportements socio-écologiques des plantes. Ces
catalogues peuvent être utilisés soit directement sur le terrain soit plutôt
après identification d’une bonne partie des plantes au retour du terrain.
Dans un premier temps, le botaniste introduit
quelques noms de plantes parmi celles qui posent le moins de problèmes, en
frappant un minimum de lettres, aidé en cela par le logiciel. Puis, une touche
permet de lancer un calcul (très rapide) qui définit les (30 à 50) plantes
écologiquement similaires ou discriminantes concernant le lot de plante déjà
introduit. Parmi ces nouvelles plantes certaines se trouvent dans la station.
Un seul clic les introduit tour à tour. Après quelques itérations, des plantes
plus difficiles arrivent pour être introduites : ce sont celles qui
nécessitent une Flore pour départager entre deux dénominations. Mais l’écologie
aussi peut servir pour cela. On peut en effet comparer l’écologie de chacune de
ces deux plantes, c’est-à-dire examiner leurs plantes socio-écologiquement
similaires ou discriminantes, qu’elles soient de même genre ou de genres
différents. Ces listes constituent une aide précieuse, plus précise, plus
complète et plus objective que les définitions habituelles que l’on trouve dans
les Flores, telles que « plante calcicole » ou caractéristique du
« Brometum erecti ». Cependant, il faut prendre garde : c’est
une aide probabiliste et non une certitude : le botaniste doit quand même
faire son possible pour déterminer la plante. Pour l’aider encore, le logiciel
peut faire apparaître des photos de ces plantes faites à plusieurs stades
phénologiques.