Page d'entrée
 Sommaire
 Aiguillage général

Classification socioécologique des plantes

février 2009

 

 Classification socioécologique de 4598 plantes résumée par 265 phytotypes
 Appartenance d'une plante à un phytotype

 

Durant ses trente années d’existence la banque de données botanique et écologique SOPHY a rassemblé plus de 190.000 relevés phytosociologiques sur la France et les pays limitrophes, provenant de 3200 sources documentaires (thèses, articles, publications grises, carnets de terrain, voire des fichiers informatisés, etc.), regroupant près de 4.000.000 d’observations et recensant 4598 plantes. Cette étape justifie à elle-seule de nouvelles mise-à-jour voire de nouveaux traitements.

 

En particulier, parce que la dernière classification socioécologique de plantes date de sept ans, il devenait opportun d’en faire une nouvelle version afin de tenir compte des corrections et compléments apportés aux données.

 

Une classification a pour but de résumer et de hiérarchiser des ensembles cohérents de données. Ici, il s’agit de comparer une multitude de comportements écologiques de plantes déduits de la banque SOPHY afin de les regrouper par type que l’on nomme des « phytotypes ». Ces phytotypes sont ensuite expliqués par ce qui les compose et ce qui les différencie, notamment la composition floristique, l’implantation géographique et les plantes discriminantes qui en suggèrent l’écologie.

 

Pour faire une comparaison entre ces résultats et ceux produits dans des disciplines voisines, c’est en phytogéographie que l’on trouve les types de résultats les plus comparables. Il s’agit des « éléments phytogéographiques » qui regroupent les plantes ayant des distributions relativement similaires. Cependant ces éléments, constitués de façon empirique, fondé sur des données disparates et peu nombreuses, ne montrent ni la répartition de ces éléments, ni leur composition floristique exhaustive, ni aucune information relative à leur écologie. De son côté, la phytosociologie ne considère pas les groupes de plantes ayant des comportements analogues comme un résultat en soi. Les plantes sont simplement utilisées pour caractériser les groupements végétaux, comparables dans ce travail aux « plantes discriminantes »  qui constituent la version numérique des plantes caractéristiques.

 

1. Données : les présences et les abondances de 4598 taxons dans 172.000 relevés en France

 

1.1. Les niveaux d’abondance d’un taxon

 

Les données initiales sont les relevés phytosociologiques réalisés par plus de 2100 phytosociologues et botanistes, chaque relevé correspondant à un échantillon de milieu. Les relevés sont localisés à des fins ultérieures de cartographie. Une donnée élémentaire est l’abondance d’un taxon dans un relevé. Ces données  sont rassemblées dans un tableau théorique de 172.000 relevés localisés (sur un total de 190.000 relevés) et de 7883 plantes. Dans ce qui suit, on appelle « plante » soit un taxon botanique présent, quelle que soit son abondance, soit un taxon ayant une abondance supérieure à un seuil. En effet, l’abondance confère souvent à un taxon un comportement original, relativement spécialisé. Ainsi, en lui intégrant l’abondance, un taxon s’il est assez fréquent, peut figurer deux fois, voire trois, à différents niveaux d’abondance.

 

Cependant, la présente classification porte seulement sur les plantes présentes, quelle que soit leur abondance. Celles qui sont présentes dans au moins dix quadrats sont au nombre de 4598.

 

1.2. Répartition des relevés entre des « quadrats »

 

Pour diminuer l’influence d’un sur-échantillonnage local, les relevés sont regroupés dans des « quadrats » d’environ 1km de côté. Plus précisément, un quadrat est délimité par un centigrade en latitude comme en longitude. Ce regroupement ne confond pas les relevés d’un même quadrat pour en faire un gros relevé collectif. Le relevé reste un échantillon de milieu distinct des autres relevés du même quadrat. On mesure la similitude écologique de deux plantes par leur coexistence plus ou moins fréquente dans les mêmes relevés, mais on donne la même importance à tous les quadrats, quel que soit le nombre de relevés NR que contient un quadrat. Par conséquent, on donne à chaque observation dans un quadrat un poids égal à 1/NR. On évite ainsi de donner un poids excessif aux nombreux relevés parfois répétés côte-à-côte par certaines études botaniques locales. In fine, le tableau initial des données utilisées pour la classification socioécologique des plantes comporte 4598 plantes présentes dans 172.000 relevés, eux-mêmes répartis entre 48.000 quadrats.

 

2. Caractérisation socioécologique des plantes

 

            Les données précédentes montrent le comportement sociologique d’une plante A par rapport aux autres plantes. Elles utilisent des données sociologiques pour identifier l’écologie d’une plante, une démarche qualifiée de « socioécologique ». Elles n’explicitent pas les causes écologiques, principalement édaphiques et climatiques du comportement, mais elles le caractérisent de façon numérique, par rapport aux autres comportements.

 

2.1. Fidélité d’une plante à une autre plante

 

Depuis ses débuts, la phytosociologie considère les plantes qui vivent ensemble dans une station comme les indices du milieu de la station. Très tôt également, elle a caractérisé l’appartenance d’une plante à un groupement par sa fidélité au groupement, considéré comme un type de milieu. A ces principes de base, la banque Sophy a naguère apporté une nouveauté, permise par le développement de l’informatique. Cette nouveauté consiste à appliquer la notion de fidélité,  fondamentale en phytosociologie, à la mesure des relations entre les plantes. Initialement, la fidélité d’une plante à un groupement permettait d’identifier les plantes caractéristiques du groupement. La fidélité a ensuite été transposée en écologie, quand on a défini la fidélité d’une plante à un caractère du milieu. L’aboutissement logique de cette notion était donc la fidélité d’une plante A à une autre plante C, considérée comme un indice du milieu. La dépendance apparente de la plante A envers le milieu de C se mesure par la fidélité de A à C, FID(A,C). Cette fidélité est très analogue à une probabilité. Elle est égale à la fréquence relative de C dans les relevés contenant A. A quoi sert-elle, cette fidélité d’une plante à une autre plante ?

 

2.2. Le tableau des fidélités, source des caractérisations socioécologiques

 

Les fidélités des plantes aux plantes servent à calculer les similitudes entre leurs comportements et à classer les plantes par types de comportement socioécologique, appelés « phytotypes ». Dans ce but, le tableau initial des présences des plantes dans les relevés génère un second tableau, celui des fidélités des plantes aux plantes, plus précisément celui des fidélités des 4598 plantes présentes aux 7883 indices du milieu que sont les plantes présentes et les plantes abondantes. Une ligne de ce tableau contient les fidélités d’une plante A toutes ses cooccurrentes, considérées comme des indices du milieu. Une plante se caractérise aussi par ses fidélités nulles aux plantes qu’elle ne rencontre jamais. Au total, la plante A se caractérise par autant de probabilités qu’il y a d’indices de variable. A partir de ce tableau, on peut comparer une plante A à toutes les autres, d’après leurs comportements. On peut notamment identifier les plantes les plus similaires de A et bâtir une classification des plantes selon leurs comportements écologiques.

 

Avant de décrire cette classification des plantes, signalons que le tableau des fidélités permet de classer selon leur écologie non seulement les plantes, définissant des « phytotypes », mais aussi les relevés, définissant des « mésotypes », comme on peut le voir dans d’autres chapitres de la banque SOPHY. Le tableau des fidélités permet de classer les relevés en mésotypes hiérarchisés, analogues à des groupements végétaux, de les caractériser par leurs plantes discriminantes qui sont les équivalents objectifs et numériques des plantes caractéristiques de la phytosociologie classique. Bref, le tableau des fidélités apporte aux plantes et aux relevés une référence commune, comme s’il les plaçait dans un espace commun où les proximités correspondent à des similitudes écologiques. Ce tableau est le cerveau de la banque. 

 

 

3. Méthode de classification

 

La classification résume la diversité des comportements par des types de comportement, en nombre réduit. Elle en montre la hiérarchie et la composition. Elle quantifie la différence entre deux plantes, puis entre deux groupes de plante et, enfin, elle quantifie l’originalité d’un groupe par ses plantes discriminantes. Ces trois étapes reposent uniquement sur les fidélités et sur leur signification probabiliste.

 

3.1. Différence entre les comportements de deux plantes

 

            Deux plantes A et B ont des comportements d’autant plus différents que l’une est fidèle à un milieu et que l’autre y est peu fidèle. A l’égard d’un indice du milieu C, la  probabilité de différence est égale à la différence des fidélités |F1-F2|. Cette différence se calcule à partir des couples de relevés contenant respectivement A et B. Cette différence a un poids qui dépend de l’indice. En effet, les seuls couples de relevés qui différencient les deux plantes sont ceux où C est présent/absent. Les couples qui montrent une similitude sont ceux où C est présent/présent. En revanche, les couples où C est absent/absent ne marquent pas des similitudes, ce sont des absences d’information, car l’ensemble des absences est beaucoup plus hétérogène que l’ensemble des présences. Au total, le nombre de couples pertinents est proportionnel à (F1 + F2 – F1 x F2). Si on ne tenait pas compte de cette pertinence, on rapprocherait, par exemple, des plantes xérophiles et des plantes hygrophiles, les unes et les autres ayant des fidélités faibles ou nulles aux plantes mésophiles.

 

3.2. Différences entre deux groupes de plantes

 

            Le comportement d’un groupe de plantes se caractérise, comme celui d’une plante, par ses fidélités aux indices du milieu. Les plantes d’un groupe, désormais confondues, à ce stade du calcul, comptent comme autant d’observations du groupe. Si bien que la fidélité du groupe à l’indice C est la moyenne des fidélités des plantes du groupe, pondérées par leurs fréquences. Le résultat est analogue à une classification fondée sur les centres de gravité des groupes. Ce n’est pas ce critère géométrique qui a fait choisir ce calcul, mais sa signification sociologique, en termes de probabilités.

 

3.3. Plantes discriminantes d’un phytotype

 

            Les plantes discriminantes d’un phytotype sont les indices du milieu qui contribuent le plus à l’originalité du type. Cette originalité globale d’un phytotype, se mesure par la probabilité de différence entre le type et l’ensemble des plantes. Cette probabilité  cumule les différences pertinentes provoquées par tous les indices. Par construction, la somme de toutes les contributions vaut 1.  La contribution de deux indices est la somme de leurs contributions. La contribution relative d’un indice est égale à la part qu’il apporte à cette originalité.

 

 Les indices sont rangés selon leurs contributions décroissantes, appelées « pouvoirs discriminants ». On constate qu’on atteint une part notable de l’originalité avec peu de plantes. Il suffit parfois d’une ou deux dizaines de plantes discriminantes pour exprimer le quart de l’originalité totale du phytotype, alors que cette originalité se calcule avec plus de 7.000 indices du milieu. Cette liste très réduite suffit souvent à marquer la particularité d’un phytotype.

 

Le résultat de cette classification est exprimé par un dendrogramme des 4598 plantes. Ce dendrogramme est ensuite découpé numériquement en ne conservant que les groupes d’au moins 10 plantes. 300 groupes sont mis en évidence et présentés par un dendrogramme réduit sur lequel chaque ligne représente un groupe de comportements, c’est-à-dire un phytotype. Pour limiter certaines répétitions, seuls 265 phytotypes sont présentés.

 

4. Panorama des résultats

 

Deux types de résultats sont présentés. D’abord ceux qui décrivent les résultats, ensuite, ceux qui les expliquent.

 

4.1. Résultats descriptifs

 

            Ils sont au nombre de trois.

 

                        1°) Les caractéristiques du phytotype portent sur son numéro (fixé par le numéro de ligne sur le dendrogramme), sa dénomination empirique, ses effectifs (nombre de plantes, nombre de relevés, nombre d’observations), ainsi que sur les 3 quartiles des observations de l’altitude dont celui de la médiane.

 

                        2°) La liste des plantes du phytotype (ordre alphabétique et ordre sur le dendrogramme).

 

                        3°) La représentation cartographique. La carte montre l’implantation géographique du phytotype, chaque point représenté correspondant à l’observation d’au moins une plante du phytotype dans le relevé. Les couleurs représentent les fréquences relatives du phytotype dans le relevé, fréquences rangées en six classes, de la plus faible à la plus forte, du jaune pâle au vert foncé. Les deux couleurs jaunes représentent l’extension totale du phytotype, les quatre couleurs vertes, sa partie centrale. Lorsque le phytotype est suffisamment fréquent on perçoit nettement les gradients de fréquences relatives. Les quartiles d’altitude permettent d’identifier les plantes de plaines, de collines, de montagne, de haute et très haute montagne.

 

4.2. Résultats explicatifs

 

            Ils sont représentés par la liste des plantes discriminantes du phytotype. Rappelons que la liste de ces plantes est arrêtée au quart de l’écart entre le centre de gravité de la banque et celui du phytotype. De fait ces plantes peu nombreuses sont des plantes à la fois fréquentes et fidèles.

                       

5. Conclusion

 

            La classification aboutit à des résultats très condensés. Le dendrogramme réduit montre six grands phytotypes (signalés en rouge), dont cinq présentent ensuite des subdivisions remarquables (signalées en vert).

 

La liste des plantes rangées dans l’ordre du dendrogramme (complet) est la mieux à même de montrer les parentés entre les comportements.

 

            Les cartes des phytotypes qui correspondent à ce que les phytogéographes appellent des « éléments » montrent très souvent des gradients affirmés qui sembleront réalistes et familiers à beaucoup de botanistes de terrain, mais qui ont l’intérêt de l’objectivité et de la quantification. La représentation des quadrats où le phytotype est le plus fréquent montre le cœur du phénomène, plus nettement caractérisé que ses limites. Cette représentation montre ce qui fait vivre les plantes du phytotype, par opposition au tracé de limites géographiques, qui tenterait de localiser ce qui stoppe le phytotype, ce qui le fait disparaître.  La comparaison des relevés montre leurs différences socioécologiques, elle montre des optimums beaucoup plus nettement que des limites.